dimanche 26 juin 2011

texte de théâtre - Corrigé proposé

BREVET DES COLLÈGES
Français
"Annales zéro"

© CNDP–DESCO Annales "zéro" Français

Sommaire

6


Colin Higgins, Jean-Claude Carrière
Harold et Maude
« L’Avant-scène », n° 537

A. TEXTE
Maude, soixante-dix ans, a rencontré Harold, dix-huit ans, alors qu’elle cherchait un endroit pour planter un petit arbre qu’elle avait découvert en ville, « coincé dans un pot de ciment, asphyxié par le gaz ». Ils se rendent ensemble dans la forêt.
LA FORET
Scène 3
La lumière du soleil passe à travers les feuilles, Harold et Maude achèvent de planter le petit arbre. Maude tasse la terre du tronc et se redresse.
MAUDE. – Voilà. Il sera très heureux ici.
HAROLD. – C’est de la bonne terre.
MAUDE. – J’aime le contact de la terre, et son odeur. Pas vous ?
HAROLD. – Je ne sais pas.
5 MAUDE. – Quelle merveille, toute cette vie autour de nous ! Rien que des êtres vivants. […]
MAUDE. – Adieu, petit arbre. Pousse, verdis et meurs pour nourrir la terre. Venez je veux vous montrer
quelque chose. (Ils s’avancent et s’arrêtent auprès d’un grand arbre).Qu’est-ce que vous en dites de cet arbre ?
HAROLD. – Il est grand.
MAUDE. – Attendez d’être en haut.
10 HAROLD. – Vous n’allez pas grimper ?
MAUDE. – Et pourquoi non ? Je le fais à chaque fois que je viens ici. Venez. C’est un arbre sans difficulté.
(Elle commence à grimper.)
HAROLD. – Et si vous tombez ?
MAUDE. – Spéculation 1 hautement improbable, de toute façon stérile. (Elle regarde d’en haut.) Vous venez
15 ou je vous décris le panorama ?
HAROLD. (avec un soupir). – D’accord, d’accord. Je viens.
Il commence son escalade.
MAUDE. – Pas mal. Il y a de l’idée. Vous le regretterez pas. Du sommet, la vue est magnifique.
HAROLD. – J’espère.
20 MAUDE atteint le sommet et s’installe sur une grosse branche.
MAUDE. – Sublime. Regardez, là il y a un escalier tout juste fait pour vous. Allons, un petit effort.
(Harold à son tour parvient au sommet et s’assied auprès de Maude en s’agrippant fermement au tronc).
Vivifiant, non ?
HAROLD. – Oui, c’est… c’est haut ! […]
25 MAUDE. – J’aurais dû monter mon sac. Je pourrais tricoter ici.
HAROLD (qui commence à descendre). – Je vais le chercher.
MAUDE. – Merci, Harold. Rapportez donc le cornet de pistaches. J’ai envie de grignoter quelque chose. Vous
avez faim ?
HAROLD. – Un peu.
30 MAUDE. – Il y a aussi des oranges. Attendez une seconde. Je descends moi aussi.
HAROLD (qui commence à se détendre). – La plupart des gens ne vous ressemblent pas. Ils vivent tout seuls,
dans leur château. Comme moi.
MAUDE. – Château, roulotte, chaumière. Chacun vit enfermé. Mais on peut ouvrir les fenêtres, baisser le
pont-levis, partir en visite, découvrir les autres, s’arrêter, voler !
35 Ah ! c’est si bon de sauter le mur et de dormir à la belle étoile !
Ils sont arrivés en bas. […]
MAUDE. – Vous connaissez l’histoire de deux architectes qui viennent voir le Bouddha2pour lui demander de
l’argent ? Le premier construisait un pont et le Bouddha fut très impressionné. Il se mit à prier et un grand
taureau blanc apparut, avec un sac d’or sur le dos. « Prends-le, dit le Bouddha, et construis d’autres ponts.»
40 Le deuxième construisait un mur. « C’est un excellent mur », dit le Bouddha, un peu solennel comme
d’habitude. Il se mit en prière, le taureau surgit, se dirigea vers l’architecte et s’assit tout simplement sur lui.
HAROLD (qui éclate de rire). – Maude !
Vous avez inventé cette histoire.
MAUDE. (qui rit avec lui) – Mais c’est vrai ! Le monde n’a plus besoin de murs ! Nous devons mettre le nez
45 dehors et construire de plus en plus de ponts.
Elle rit.
HAROLD – J’en découvre des choses avec vous !

(1) Spéculation : supposition
(2) Bouddha : nom sous lequel on désigne le fondateur de la religion bouddhiste.
Colin Higgins, Harold et Maude, © Editions Denoël


* PREMIÈRE PARTIE * QUESTIONS (15 points)
  • LE TEXTE THÉÂTRAL
    1. Donnez trois raisons qui permettent à un lecteur d’identifier immédiatement ce texte comme un texte de théâtre. (1,5 point)
    2. Quel est le temps le plus utilisé ? Justifiez son emploi. (1 point)
    3. « Il sera très heureux ici ». (ligne 1)
    Comment le lecteur peut-il identifier à qui et à quoi renvoient « Il » et « ici » ? De quelle façon le spectateur y parvient-il ? (2 points)
  • LE PERSONNAGE DE MAUDE
    1. « Pousse, verdis et meurs » (ligne 6)
    1.a. À quel mode ces trois verbes sont-ils conjugués ? (0,5 point)
    1.b. Comment Maude considère-t-elle l’arbre en s’adressant ainsi à lui ? (1 point) 2. Observez les phrases suivantes :
    « Quelle merveille, toute cette vie autour de nous ! » (ligne 5)
    « Sublime. » (ligne 21)
    « Vivifiant, non ? » (ligne 23)
    2.a. Quelle particularité grammaticale ont-elles en commun ?
    2.b. Quel aspect du caractère de Maude cette façon de parler suggère-t-elle ? (1,5 point)
    3.a. Quel est le sens de « vivifiant » (ligne 23) ?
    3.b. Trouvez deux mots de la même famille dans les dix premières lignes du texte. (1 point)
    3.c. Que veut dire l’adjectif « stérile » (ligne 14) ? Quel rapport entretient-il avec le mot « vivifiant » ? (1 point)
    3.d. En quoi ces deux adjectifs aident-ils à mieux comprendre le personnage de Maude ? (2 points)
    4. Quelles remarques pouvez-vous faire sur le comportement de Maude, en pensant à son âge ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (1,5 point)
    5. « La plupart des gens ne vous ressemblent pas. Ils vivent.tous seuls dans leur château » (lignes 31-32)
    5.a. Quel rapport faites-vous entre cette phrase et l’histoire des deux architectes ? (1 point)
    5.b. Pourquoi, d’après Maude, faut-il « construire de plus en plus de ponts » ? (1 point)
RÉÉCRITURE (5 points)
Vous réécrirez au présent l’histoire des deux architectes, de la ligne 38 : « Le premier… » jusqu'à la fin, ligne 41.
DICTÉE (5 points)
« Mon nom vous est inconnu,
et au fond c’est bien ça qui est drôle.
Je vous écris comme on jette une bouteille à la mer,
sans être pour autant naufragé.
Je vous écris pour noircir du papier,
pour créer une connexion électrique. »
Julos Beaucarne, Écrit pour vous (p. 22), éditions Duculot, 1982
* SECONDE PARTIE * RÉDACTION (15 points)
Maude semble avoir inventé l’histoire des deux architectes. À votre tour, imaginez une autre histoire, destinée à convaincre un personnage de votre choix, pour illustrer l’idée qu’il faut construire plus de ponts que de murs.
Le texte est un récit.
Il cherche à convaincre.
Il illustre effectivement l’idée proposée.
Il s’adresse à quelqu’un de clairement identifié.
Il sera tenu compte, dans l’évaluation, de la correction de la langue et de l’orthographe.
***
ÉLÉMENTS DE CORRIGÉ
LE TEXTE THÉÂTRAL 1. On attend trois remarques parmi celles-ci : l’indication « scène 3 », les didascalies, la mention du nom des personnages, les tirets et le dialogue continu ; le titre de la revue : «L’Avant Scène ».
2. Le présent d’énonciation. La scène fait dialoguer deux personnages dans un moment perpétuellement actualisé par l’instant de la représentation.
3. Le lecteur doit se référer à la didascalie initiale pour comprendre que « Il » renvoie au petit arbre et à la situation du passage pour comprendre que « ici » renvoie à un endroit de la forêt. Pour le spectateur, c’est plus simple, puisqu’il suffit qu’il regarde le décor.
LE PERSONNAGE DE MAUDE
1.a. et b. Il s’agit de l’impératif. Maude considère ainsi l’arbre comme un être, voire comme une personne.
2.a. et b. Nous avons affaire à trois phrases non verbales, averbales, sans verbe (mais pas à trois phrases nominales). Elles traduisent l’enthousiasme de Maude, sa jeunesse d’esprit et de coeur. On peut également observer qu’il s’agit de termes positifs, supposant ou recherchant l’assentiment de l’interlocuteur, pour deux d’entre eux hyperboliques. Nous sommes dans la louange, la célébration.
3.a., b., c. et d. « Vivifiant » signifie : qui donne ou favorise la vie. On trouve «vie» et «vivants» à la l. 5. «Stérile» au contraire signifie : qui ne porte point de fruit, qui ne donne pas la vie et au sens figuré ici : qui ne produit aucune idée. Stérile et vivifiant sont donc en opposition. On peut les considérer comme des antonymes. Maude est un personnage foncièrement positif, qui rejette les considérations qui pourraient limiter son plaisir d’être au monde et sa joie de vivre.
4. « Maude, soixante-dix ans, a rencontré Harold, dix-huit ans », dit la didascalie initiale; or c’est elle qui agit comme quelqu’un de dix-huit ans ! C’est elle qui aime la vie « – J’aime le contact de la terre, et son odeur. Pas vous ? – Je ne sais pas. » (lignes 3 et 4). C’est elle qui s’émerveille «Quelle merveille» (l. 5) ; « la vue est magnifique » (ligne 18) ; « sublime » (ligne 21), qui a faim « j’ai envie de grignoter quelque chose » (ligne 27), qui grimpe aux arbres et qui a une vision positive du monde au point de souhaiter encore le changer…
5.a. et b. L’enfermement est lié aux murs construits par le second architecte. Les ponts sont bien sûr symbole de lien, de relation. Pour Maude, les ponts représentent la vie (cf. début du texte), l’ouverture au monde « partir en visite, découvrir les autres » (ligne 34), et sans doute la liberté «s’arrêter, voler» (l. 34).

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